La bioéconomie : ce que j’ai appris en osant faire autrement
Par Christian Taillon, Ferme Taillon & Fils inc.
Dans le monde agricole, on entend de plus en plus parler de bioéconomie. Un mot qui peut paraître un peu flou, un peu technique. Mais en réalité, il cache des pratiques très concrètes que bien des producteurs appliquent déjà au quotidien, souvent sans le savoir. Valoriser les fumiers et lisiers, intégrer des engrais verts dans nos rotations, adopter des pratiques de conservation des sols… tout ça, c’est de la bioéconomie.
De mon côté, j’ai eu l’occasion de pousser un peu plus loin cette logique, dans le cadre de certains projets qu’on a réalisés à la Ferme Taillon & Fils inc. Et j’avais envie de vous en parler, simplement, sans prétention. Parce que si ça peut faire germer une idée ou deux chez vous, ce sera déjà beaucoup.
Un virage qui change tout
La Ferme Taillon & Fils inc est située à Saint-Prime, en plein cœur de la MRC du Domaine-du-Roy. On y cultive environ 775 hectares, on élève une centaine de vaches laitières en production biologique, et on fait aussi de la volaille à forfait pour Nutrinor, autour de 1,3 million par année. C’est une ferme familiale, avec quatre actionnaires et une petite équipe tissée serrée.
Le virage vers la bioéconomie a été amorcé en 2000, quand on a choisi de passer en régie biologique. C’était déjà tout un changement. On a dû revoir notre plan de culture, repenser nos façons de faire. Et c’est à ce moment-là que nous avons commencé à travailler le chanvre industriel.
Une plante pleine de promesses
À l’époque, c’était un marché de niche. La graine de chanvre avait une bonne valeur, mais il fallait être certifié bio pour y accéder. On a décidé d’essayer. Et petit à petit, on a élargi nos superficies, en apprenant à mieux connaître cette plante surprenante.
Ce qu’il faut savoir, c’est que le chanvre a des dizaines d’usages potentiels : fibres textiles, matériaux isolants, béton végétal, bioplastiques, extraits pharmaceutiques… Mais dans notre cas, on récoltait uniquement la graine, faute d’outils pour valoriser le reste. Les tiges, les feuilles, les fleurs… retournaient au sol.
Avec tout ce qu’on entend aujourd’hui sur la bioéconomie, l’économie circulaire, la transition verte, je suis convaincu que le chanvre a encore un gros rôle à jouer. Mais pour ça, il faut continuer à explorer.
On a testé, on a appris
À la Ferme Taillon, on a fait notre part. Voici quelques projets qu’on a menés au fil des années :
- Essais de variétés à double usage, pour récolter graine et fibre ;
- Récolte de fleurs et feuilles pour le marché pharmaceutique ;
- Tests de rouissage, pour bonifier la qualité de la fibre ;
- Essais variétaux uniquement pour la fibre, pour voir les rendements possibles.
Les résultats ont été encourageants. Ce n’est pas encore suffisant pour bâtir une vraie filière locale autour du chanvre, mais on garde espoir. Le travail se poursuit.
Ce que tout ça m’a appris
Ce que je retiens, ce n’est pas juste ce qu’on a fait avec le chanvre. C’est le réflexe qu’on a développé : celui de regarder nos ressources autrement. De sortir du modèle traditionnel. De se dire : « Est-ce que je peux faire plus avec ce que j’ai déjà? »
Le chanvre, ça a été notre porte d’entrée. Mais la bioéconomie peut prendre bien d’autres formes : valoriser ses résidus agricoles, développer des ingrédients spécialisés, créer des produits de niche, miser sur des procédés innovants, ou même se lancer dans l’agrotourisme durable.
C’est une façon différente de penser l’agriculture : plus circulaire, plus durable, et souvent, plus rentable à long terme.
On avance ensemble
Je ne vous mentirai pas : se lancer dans des projets de bioéconomie, ce n’est pas de tout repos. Il faut du temps, des partenaires, de la curiosité, et parfois… accepter que ça ne fonctionne pas du premier coup.
Mais ce que je peux vous dire, c’est que ça vaut la peine. Parce que c’est comme ça qu’on innove. Qu’on crée de la valeur. Qu’on se prépare à affronter les défis de demain.
Et surtout, on ne peut pas faire ça seuls. On a besoin de travailler ensemble : producteurs, transformateurs, chercheurs, municipalités, gouvernements. On a besoin de partager nos essais, nos erreurs, nos succès. C’est comme ça qu’on fait avancer un territoire.
À ceux qui y pensent
Si vous êtes producteur ou entrepreneur agricole et que vous avez envie d’essayer quelque chose de nouveau, commencez par regarder autour de vous. Ce que vous cultivez. Ce que vous jetez. Ce que vous maîtrisez.
Il y a peut-être là, tout près, une idée à creuser. Parlez-en. Allez voir ce qui se fait ailleurs. Et surtout : n’attendez pas que tout soit parfait pour commencer. Lancez-vous.
Une force pour notre territoire
La bioéconomie, ce n’est pas une mode passagère. C’est une démarche de fond. Et dans un territoire comme le nôtre, où on a les ressources, l’expertise et la volonté de faire mieux, je suis convaincu qu’on peut en faire un levier puissant pour notre avenir.
À bientôt sur le terrain!
En savoir davantage sur la bioéconomie dans la MRC du Domaine-du-Roy.