La chaleur industrielle, un levier pour la bioéconomie locale
Par Jean-Marie Niget, agronome
La bioéconomie repose sur une idée simple mais puissante : mieux utiliser les ressources renouvelables disponibles sur nos territoires. Elle nous invite à réduire notre dépendance aux énergies fossiles, à optimiser ce que nous produisons déjà et à créer de nouvelles synergies durables.
Dans cette perspective, la récupération de chaleur industrielle prend toute son importance. Bien plus qu’une simple option technique, elle constitue une ressource stratégique qui peut améliorer la rentabilité des entreprises, renforcer l’autonomie énergétique des communautés et contribuer directement à la lutte contre les changements climatiques.
Une ressource encore sous-utilisée
Chaque jour, des industries rejettent de grandes quantités de chaleur sous forme de vapeur, d’eau chaude ou d’air chaud. Trop souvent, cette énergie est simplement perdue. Pourtant, elle représente un potentiel immense pour :
- Réduire les coûts énergétiques des entreprises ;
- Remplacer des énergies fossiles et limiter les émissions de gaz à effet de serre ;
- Consolider l’autonomie énergétique des territoires.
Comment transformer cette chaleur en valeur
La bioéconomie et la récupération de chaleur se complètent naturellement. Les exemples suivants montrent comment cette ressource peut alimenter des projets concrets :
- Transformation de la biomasse
Plusieurs procédés en bioéconomie exigent des apports thermiques constants, comme :
- le séchage de la biomasse avant la fabrication de granules, biocarburants ou biogaz ;
- la méthanisation, qui demande de maintenir des températures précises dans les digesteurs anaérobies ;
- la fermentation et le bioraffinage, nécessaires à la production de bioplastiques et de produits biosourcés.
- Production en serre
Les serres agricoles sont de grandes consommatrices d’énergie. En les situant à proximité de sources de chaleur industrielle, on crée de véritables synergies, où les rejets de l’un deviennent la ressource de l’autre.
- Réseaux de chaleur territoriaux
La chaleur récupérée peut également alimenter des réseaux locaux, qui desservent des sites liés à la bioéconomie (usines de transformation, centres de compostage, etc.). C’est une façon concrète de mettre en œuvre l’économie circulaire à l’échelle d’une communauté.
Des réussites bien de chez nous
Serres Toundra – Saint-Félicien
Depuis 2016, Serres Toundra tire parti de la chaleur de basse température produite par l’usine de Domtar (pâte kraft de Saint-Félicien). Acheminée par un réseau construit par la Ville, cette énergie remplace une part importante du gaz naturel, réduit les coûts de production et limite les émissions de GES. Cette stratégie confère à l’entreprise un avantage compétitif majeur : elle détient aujourd’hui plus de 80 % du marché du concombre dans l’Est du Canada.
Hydraxis – La Doré
Le projet Hydraxis illustre aussi cette logique circulaire. Son centre de traitement de données générera de la chaleur de refroidissement, qui servira à chauffer des serres de production végétale. Cette énergie permettra aussi l’extraction de molécules biosourcées grâce à la technologie Biolie, développée au CTVB de l’UQAC.
Une approche rentable et responsable
Réutiliser la chaleur résiduelle, c’est :
- Accroître l’efficacité énergétique ;
- Réduire les émissions de gaz à effet de serre ;
- Favoriser la création d’écosystèmes industriels résilients ;
- Améliorer la compétitivité locale des entreprises.
Au-delà de ces bénéfices directs, c’est aussi une démarche socialement avantageuse. Les émissions de GES et l’usage de combustibles fossiles entraînent des coûts indirects liés aux changements climatiques, à la santé et aux catastrophes naturelles. Cela signifie que chaque tonne évitée grâce à la récupération de chaleur représente aussi une économie réelle pour la collectivité.
En conclusion
La chaleur industrielle résiduelle n’est pas un déchet : c’est une ressource à part entière. La valoriser, c’est transformer une perte en opportunité, bâtir des ponts entre secteurs et soutenir l’innovation.
Ici, dans la MRC du Domaine-du-Roy, des projets comme Serres Toundra et Hydraxis démontrent que ce modèle est non seulement possible, mais déjà en action.
Et c’est en multipliant ces initiatives que nous pourrons bâtir un avenir durable pour nos communautés.
En savoir davantage sur la stratégie de développement de la bioéconomie dans la MRC.